Prise d’acte et ancienneté des manquements : ce que dit la Cour de cassation

Prise d'acte et ancienneté

Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. soc. 18-12-2024 n° 23-19.664 F-D) apporte un éclairage important sur l’appréciation des manquements de l’employeur dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail. Cette décision rappelle les principes fondamentaux régissant ce mode de rupture et précise les critères d’évaluation à prendre en compte.

1. Le principe de la prise d’acte

La prise d’acte est un mécanisme permettant au salarié de rompre son contrat de travail en imputant cette rupture à son employeur. 

Pour être justifiée, elle doit être fondée sur des manquements suffisamment graves de l’employeur, rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

En règle générale, les manquements invoqués sont les suivants :

  • Non-paiement ou paiement irrégulier du salaire (Retards répétés dans le versement du salaire ; Non-paiement des heures supplémentaires régulièrement effectuées…)
  • Manquements à l’obligation de sécurité et de santé (Exposition du salarié à des risques psychosociaux non pris en compte ; non-respect du droit au repos hebdomadaire…)
  • Harcèlement moral ou sexuel
  •  
  • Modification unilatérale du contrat de travail (Changement de poste sans l’accord du salarié, modification de la rémunération sans accord…)


2. Les faits et la procédure

Un salarié, employé depuis 2003 comme manutentionnaire, puis technico-commercial, par une association, subi une baisse de rémunération à la suite d’une réorganisation des secteurs d’activité en 2018 et 2019.

Le 31 août 2020, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La cour d’appel a jugé que la prise d’acte devait produire les effets d’une démission. Elle a considéré que les manquements de l’employeur, bien que sérieux, étaient anciens et n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail. En effet, les manquements reprochés dataient d’environ deux ans avant la prise d’acte de rupture par le salarié.

La Cour de cassation censure l’arrêt. 

La Haute juridiction rappelle que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant sa poursuite.

Elle reproche à la cour d’appel de s’être uniquement référée à l’ancienneté des manquements sans rechercher s’ils n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La Cour de cassation rappelle que l’ancienneté des manquements ne suffit pas à elle seule à rendre une prise d’acte injustifiée. Les juges doivent examiner la gravité intrinsèque des manquements allégués, indépendamment de leur ancienneté.

 

3. Les enseignements à tirer

Les juges doivent procéder à une analyse approfondie de l’ensemble des griefs invoqués par le salarié, sans se limiter à un seul critère comme l’ancienneté. L’élément déterminant reste la gravité des manquements et leur impact sur la possibilité de poursuivre la relation de travail.

Bien que l’ancienneté des faits puisse être prise en compte, elle ne peut à elle seule justifier le rejet d’une prise d’acte.

Cette décision renforce la protection des salariés en empêchant un rejet systématique des prises d’acte basées sur des faits anciens. 

La prise d’acte reste un outil puissant, mais délicat à manier pour les salariés. Cette décision de la Cour de cassation rappelle l’importance d’une analyse au cas par cas, prenant en compte la gravité réelle des manquements allégués, au-delà de leur simple ancienneté. Elle souligne également la nécessité pour les juridictions du fond de motiver soigneusement leurs décisions en la matière.

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