La clé qui représente un bail commercial

Le sort du bail commercial en cas de dépôt de bilan

Lorsque survient un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire, se pose la question de la survie du fonds de commerce et par voie de conséquence indiscutablement celle du sort du bail commercial aussi bien pour le bailleur que pour le locataire. 

En effet, le bail commercial constitue un élément essentiel du fonds de commerce. Son importance est d’ailleurs justifiée par le statut protecteur que la loi lui confère.

La loi prévoit que l’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail affecté à l’activité de l’entreprise, même en présence d’une clause figurant dans le contrat.

De ce fait, le contrat de bail commercial est continué de plein droit malgré l’ouverture d’une procédure collective même si les loyers antérieurs n’ont pas été payés ; cette règle est applicable tant en sauvegarde qu’en redressement et en liquidation judiciaire, même en absence de continuation de l’activité.

Article L. 641-11-1, I du code du commerce dispose que :

 

– Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.

 

Quelle est la situation du bailleur, du locataire, de l’administrateur judiciaire (en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement) ou du liquidateur judiciaire en cas de liquidation judiciaire ?

bail commercial il donne ses clés

1. La situation du bailleur face au dépôt de bilan de son locataire

 

1.1.  Les conséquences du jugement du jugement d’ouverture 

 

Le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes.

Le bailleur se retrouve donc dans la catégorie des créanciers.

 

En effet, l’article L622-21 du Code de commerce précise que :

 

« I.-Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »

 

1.2. Une obligation de déclarer sa créance dans un délai de deux mois

 

Comme tout créancier d’un débiteur en procédure collective, le bailleur d’un bail commercial dispose d’un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire (articles L 622-24 et R 622-24 du Code de commerce).

 

Le bailleur ne doit déclarer que les sommes afférentes à une occupation antérieure.

En effet, la loi prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. Pour l’occupation postérieure, il en demande le paiement directement à l’administrateur judiciaire (article  L 622-17 du Code de commerce).

 

1.3. Une créance privilégiée

 

L’article L622-16 du Code de commerce précise qu’en « cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n’a privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d’ouverture de la procédure.

Si le bail est résilié, le bailleur a, en outre, privilège pour l’année courante, pour tout ce qui concerne l’exécution du bail et pour les dommages et intérêts qui pourront lui être alloués par les tribunaux. »

 

Le bailleur doit donc mentionner au moment de sa déclaration de créance, l’existence de ce privilège ; à défaut de quoi sa créance sera ramenée au rang d’une créance chirographaire.


2. Les instances en cours

 

Comme souligné plus haut, le jugement d’ouverture interrompt toutes les instances en cours, que celles-ci tendent au paiement d’une somme d’argent ou à la constatation d’une violation d’une obligation de faire ou de ne pas faire.

 

Les instances en cours au moment de l’ouverture de la procédure collective sont interrompues jusqu’à la déclaration de créance.

 

Le bailleur doit nécessairement reprendre l’instance en mettant en cause les organes de la procédure, à savoir le mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire, dans le but unique de constater la créance et de la fixer (article L622-22 du Code de commerce).

 

Ainsi, lorsque l’instance en cours tend au paiement d’une somme d’argent, la reprise de l’instance n’aura que pour objet d’établir la réalité de la créance et d’en fixer le montant, mais ne pourra, en aucun cas, conduire, s’agissant d’une créance antérieure au jugement d’ouverture, à condamner le débiteur en procédure collective à régler celle-ci (art. L 622-22 du Code de commerce).

 

Pour ce qui est des obligations non pécuniaires, le droit des procédures collectives n’interdit pas de mener une action, notamment en constatation d’acquisition de la clause résolutoire lorsque les manquements relevés par le bailleur sont antérieurs à la procédure collective (article L 622-23 du Code de commerce).



3. Principe : la continuation du bail commercial

 

  • Le principe de la continuation du bail

 

Comme souligné plus haut, le principe en la matière est la continuation du bail. Conformément aux dispositions du code de commerce, seuls les baux en cours d’exécution au jour de l’ouverture de la procédure peuvent être poursuivis.

 

Par ailleurs, la liquidation judiciaire n’entraîne pas de plein droit la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise (article L641-12 du Code de commerce).

 

L’article L622-13 du Code de commerce prévoit que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

 

Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant.

 

Par ailleurs, l’administrateur peut y mettre fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

 

En cas de liquidation judiciaire, c’est au liquidateur qu’incombe cette décision.

 

Ainsi, lorsque l’administrateur ou le liquidateur prend la décision de poursuivre le bail, il doit régler au bailleur toute somme résultant de son exécution.


  • Le cas des instances en cours

 

Sur le fondement de larticle L. 145-41 du Code de commerce, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu’un bail commercial était en cours tant que le jeu de la clause résolutoire n’avait pas été constaté par une décision de justice passée en force de chose jugée (Cass. com., 12 juin 1990, no 88-19.808).

 

  • Le cas d’un commandement de payer visant la clause résolutoire

 

Lorsqu’à la date du jugement d’ouverture d’une procédure collective, aucune décision de justice n’a encore constaté l’acquisition de la clause résolutoire, les effets du commandement de payer sont suspendus par l’ouverture de la procédure collective.

 

De ce fait, la délivrance d’un commandement visant la clause résolutoire d’un bail commercial non suivie d’effet pendant plus d’un mois ne produira donc aucune conséquence juridique si une décision judiciaire passée en force de chose jugée n’intervient pas avant le jugement d’ouverture : « l’action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement » (Cass. 3e civ., 17 mai 2011, no 10-15.957).

  • Le cas d’une décision frappée d’appel 

 

L’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement de loyers antérieurs à ce jugement n’avait encore été constatée par aucune décision de justice passée en force de chose jugée de sorte que les effets du commandement de payer se trouvaient suspendus par l’ouverture de la procédure collective (Cass. 3ème civ. 27 juin 2006, n°05-14329).

 

Ainsi, de même, en cas d’appel d’une ordonnance rendue en la forme des référés avant le jugement d’ouverture. Les effets de ce commandement se trouvent neutralisés, peu important que l’ordonnance soit exécutoire à titre provisoire (Cass. com., 28 oct. 2008, no 07-17.662).

  • Une ordonnance assortie de l’exécution provisoire n’est pas définitive

 

Au jour du jugement d’ouverture du redressement, l’ordonnance constatant l’acquisition de la clause résolutoire étant frappée d’appel, le bailleur ne peut plus poursuivre la procédure, même si l’ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire.

 

4. La résiliation à l’initiative du bailleur dans certaines conditions

 

Le bailleur peut dans certaines conditions décider de résilier le bail.

 

  • En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire

 

Deux situations doivent être analysées :

 

  • La mise en œuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture.  Le bailleur a la possibilité de demander ou faire constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, mais seulement au terme d’un délai de trois mois (article L622- 14 2°).

 

Il convient de souligner que cet article doit être combiné avec l’article L145-41 du Code de commerce qui prévoit que la mise en œuvre de la clause résolutoire nécessite la délivrance préalable d’un commandement de payer.

 

  • Les autres manquements : les actions en résiliation fondées sur une obligation de faire peuvent être engagées par le bailleur.


  • En cas de procédure de liquidation judiciaire

 

La résiliation du bail commercial intervient dans les conditions suivantes :

 

Après l’ouverture de la procédure, si le bail se poursuit et si le locataire ne paie pas ses loyers ou ses charges, le bailleur peut exiger la résiliation du bail.

 

Il est à signaler que le bailleur ne peut toutefois agir en justice qu’au bout de 3 mois après l’ouverture de la procédure collective.

 

Le bailleur a la possibilité de demander la résiliation du bail, pour des motifs antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure, mais autres que le non-paiement des loyers et des charges (par exemple un défaut d’entretien des lieux loués). Il doit agir en justice dans les 3 mois du jugement de liquidation judiciaire.

 

5. La résiliation à l’initiative des organes de la procédure collective

 

Le bail peut être résilié à l’initiative de l’administrateur ou du liquidateur, par rupture anticipée, à tout moment après l’ouverture de la procédure collective (article L622-14 du Code de commerce et L641-12 du Code commerce).


6. La cession du bail en cas de liquidation judiciaire

 

La cession du bail commercial peut intervenir :

 

  • Soit de manière isolée : en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur peut céder le bail indépendamment du reste de l’entreprise,

 

  • Soit dans le cadre de la cession (totale ou partielle) de l’entreprise du locataire.

 

Si l’administrateur décide de céder le fonds de commerce du locataire, bail commercial compris, l’agrément de l’acquéreur par le bailleur ne sera pas nécessaire, même si le bail contient une telle clause. Le repreneur doit exécuter le bail commercial aux conditions applicables au jour du jugement d’ouverture.

 

Compte tenu de l’importance du bail dans l’activité, il est nécessaire d’être accompagné par un avocat dans cette situation.

Retour en haut